30 d’abr. 2008

Génie

Il est l’affection et le présent puisqu’il a fait la maison ouverte à l’hiver écumeux et à la rumeur de l’été—lui qui a purifié les boissons et les aliments—lui qu’est le charme des lieux fuyant et le délice surhumain des stations.—Il est l’affection et l’avenir, la force et l’amour que nous, debout dans les rages et les ennuis, nous voyons passer dans le ciel de tempête et les drapeaux d’extase.

Il est l’amour, mesure parfaite et réinventée, raison merveilleuse et imprévue, et l’éternité: machine aimée des qualités fatales. Nous avons tous eu l’épouvante de sa concession et de la nétre: o jouissance de notre santé, élan de nos facultés, affection égoïste et passion pour lui,—lui qui nous aime pour sa vie infinie…

Et nous nous le rappelons et il voyage…Et si l’Adoration s’en va, sonne, sa Promesse, sonne: "Arrière ces superstitions, ces anciens corps, ces ménages et ces ages. C’est cette époque-ci qui a sombré!"

Il ne s’en ira pas, il ne redescendra pas d’un ciel, il n’accomplira pas la rédemption des colères de femmes et des gaîtés des hommes et de tout ce péché: car c’est fait, lui étant, et étant aimé.

O ses souffles, ses têtes, ses courses; la terrible célérité de la perfection des formes et de l’action.

O fécondité de l’esprit et immensité de l’univers!

Son corps! Le dégagement rêvé, le brisement de la grâce croisée de violence nouvelle!

Sa vue, sa vue! tous les agenouillages anciens et les peines relevés à sa suite.

Son jour! l’abolition de toutes souffrances sonores et mouvantes dans la musique plus intense.

Son pas! les migrations plus énormes que les anciennes invasions.

O Lui et nous! l’orgueil plus bienveillant que les charités perdues.

O monde!—et le chant clair des malheurs nouveaux!

Il nous a connu tous et nous a tous aimé, sachons, cette nuit d’hiver, de cap en cap, du pôle tumultueux au château, de la foule à la plage, de regards en regards, forces et sentiments las, le héler et le voir, et le renvoyer, et sous les marées et au haut des déserts de neige, suivre ses vues,—ses souffles—son corps,—son jour.

J. A. Rimbaud


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